Les travaux de terrassement entrent-ils dans le champ de la garantie décennale ?

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Une entreprise a été missionnée aux fins d’exécution de travaux d'aménagement et de terrassement d'un terrain sur lequel la construction d’ouvrages était prévue.

À la suite des travaux de terrassement un voisin a été victime d'un glissement de terrain et a en conséquence assigné le maître d'ouvrage et l'entreprise aux fins de désignation d’un expert puis pour obtenir réparation.

Une prescription était opposée au maitre d‘ouvrage par les entrepreneurs intervenus sur le chantier. Le tribunal a déclaré l’action du maître d’ouvrage irrecevable au motif qu’aucun acte n’a interrompu les délais de prescription à l'égard de l'entreprise de terrassement et de son assureur entre l'ordonnance de référé du 24 avril 2008 et l'assignation au fond délivrée le 18 janvier 2017. Le tribunal a estimé que le délai applicable était celui de droit commun, soit celui quinquennal.

Le maître d'ouvrage a interjeté appel, soutenant que les travaux réalisés constituaient un ouvrage visé aux articles 1792 et 1792-1 du Code Civil. Partant, l’action dirigée contre l’entreprise se prescrivait par 10 ans et non par 5 ans.

Le cœur du litige portait sur la qualification juridique des travaux exécutés par l’entreprise de terrassement :

  • Soit les travaux sont constitutifs d’un ouvrage au sens des articles susvisés et donc le maître d’ouvrage dispose d’un délai de 10 ans pour agir ;
  • Soit ils ne le sont pas et le délai est de 5 ans ;

La Cour d'Appel a considéré que les travaux confiés à l'entreprise étaient des travaux de simple terrassement et d’aménagement du terrain et que ceux de viabilisation n'avaient pas été confiés à cette entreprise.

Elle estime que l’opération de terrassement ne peut être constitutive d'un ouvrage ; elle ne pourrait l’être que dans l’hypothèse où il y a incorporation de matériaux dans le sol au moyen de travaux de construction.

 

Le maître d'ouvrage a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt, qui a été rejeté :

La Cour de Cassation estime que « l'entreprise avait réalisé des travaux de terrassement et d'aménagement de terrain qui n'incorporaient pas de matériaux dans le sol au moyen de travaux de construction, que la viabilisation avait été effectuée par une autre entreprise et que le glissement s'était produit avant la réalisation de tout ouvrage, […] les travaux réalisés ne rentraient pas dans les prévisions de l'article 1792 du Code Civil ».

 

Cette décision confirme la position traditionnelle de la Cour selon laquelle l'exécution de travaux de terrassement n’entraine pas ipso facto la qualification d’ouvrage.

Pour qu’il y est un ouvrage, l’opération de travaux doit soit entrainer l'incorporation de matériaux dans le sol, soit que les travaux de terrassement s’intègrent dans une opération de réalisation d'un autre ouvrage.

Civ 3ème, 10 nov. 2021, n° 20-20.294