Marché public et caractère sous-évalué d'une offre : tout travail ne mérite pas salaire…

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Le code de la commande publique impose à l’acheteur public d’inviter le candidat à préciser la composition de son offre lorsque cette dernière est anormalement basse et ne semble pas correspondre à une réalité économique.

Il peut rejeter l’offre si le prix pratiqué est ‘’prédateur’’.

En l’espèce, deux entreprises ont candidaté à un marché public de service et avaient été invitées par le pouvoir adjudicateur à apporter des précisions sur les prix pratiqués, apparaissant comme très bas.

Convaincu par les explications données, l’acheteur était entré en négociation avec les deux sociétés.

Il a finalement sélectionné celle dont le prix était le plus bas, 40% inférieur à celui de la seconde. Les deux offres étant à égalité sur les autres critères, la note du critère prix était déterminante.  

 

Le candidat évincé a contesté l'attribution du contrat en soutenant que l'offre de l'attributaire aurait dû être écartée en raison de son caractère anormalement bas.

La Cour d’Appel le déboute :

  • Elle rappelle que la circonstance que le prix proposé par l'attributaire ne lui permettrait de faire aucun bénéfice ne suffit pas à faire regarder ce prix comme manifestement sous-évalué et donc de nature à compromettre la bonne exécution du marché (jurisprudence constante : CE, 22 janvier 2018, n° 414860).

 

  • Elle rejette un autre moyen par lequel le requérant soutenait que les éléments fournis par l'attributaire étaient insuffisants pour permettre à l’acheteur de s'assurer de la viabilité économique de son offre sur la période d'exécution du contrat. La Cour souligne que le requérant ne peut « utilement se prévaloir de circonstances postérieures à l'attribution du marché, notamment relative à son exécution, pour contester la validité de ses conditions de passation » (le choix de l’attributaire repose sur les éléments en la possession de l’acheteur lors de l’analyse de son offre).

 

Si cette décision n’apporte aucun principe nouveau, on peut légitimement s’interroger sur la position de la juridiction administrative selon laquelle « l’absence de bénéfice ne suffit pas à faire regarder ce prix comme manifestement sous-évalué ».

Elle valide la soumission d’une entreprise qui propose des prestations pour lesquelles elle ne retirera strictement rien. Cette circonstance fausse incontestablement la concurrence puisque les autres candidats désireux de gagner de l’argent (circonstance on ne peut plus normale) seront amenés à présenter un prix nécessairement plus élevé. On peut également s’interroger sur le caractère pérenne de prestations pour lesquelles un acteur économique ne retire aucun bénéfice de leur exécution, outre leur qualité.

CAA Paris, 22/01/2021, n° 18PA03106